Par Edward LORNE, diplômé de l’Institut des Hautes Etudes de Droit Rural et d’Economie Agricole. Expert Forestier agréé par le Conseil National de l’Expertise Foncière, Agricole et Forestière, membre d’Experts Forestiers de France, spécialiste des problématiques juridiques et fiscales propres aux actifs forestiers.

En cas d’alternance politique en 2017, l’ISF pourrait être supprimé. Cette mesure affecterait-elle l’attractivité du placement forestier ?

Rappelons d’abord que l’Impôt de Solidarité sur la Fortune est une triste particularité française en Europe. Sa suppression serait donc plutôt perçue par bon nombre d’investisseurs français ou étrangers, comme un signe positif.

Ensuite, il convient de ne pas réduire l’intérêt de l’investissement forestier aux seuls avantages fiscaux qui l’entourent, pour ne citer que les principaux: abattement des 3/4 au titre de l’ISF et des droits de mutation à titre gratuit, imposition forfaitaire des revenus. Par nature, la fiscalité est évolutive. Il est donc prudent de construire un projet d’investissement sur des critères économiques et sur des tendances lourdes. C’est sur ce point qu’il me semble important d’insister. A mon sens, l’attractivité du placement forestier réside plutôt dans la sous-cotation du foncier français de manière générale (un hectare en France vaut aujourd’hui aussi cher qu’un hectare en Pologne) et sur les besoins structurels à l’échelle mondiale des marchés énergétiques et des matières premières. Si nous sommes rentrés dans l’ère du digital, paradoxalement, nous sommes aussi dans une grande compétition du contrôle des ressources. Même en France cela se ressent avec quelques exemples chinois retentissants.

Pour répondre à la question, je crois que l’impact de l’éventuelle suppression de l’ISF sur l’attractivité du placement forestier sera en définitive assez insignifiant.

Y a-t-il d’autres critères qui jouent en faveur de la forêt ?

Clairement oui. Si on peut se féliciter d’un contexte économique en phase de régulation après une décennie de crise profonde, il n’en demeure pas moins que de nombreuses incertitudes pèsent sur la pérennité de la reprise. La remontée des taux d’intérêt est un signe encourageant d’une certaine vitalité du climat des affaires. Les investisseurs sont d’ailleurs tentés de quitter le marché obligataire pour renouer avec le marché action. Le placement forestier dont la rentabilité nette est aujourd’hui modeste, guère plus de 1.5% à 2% par an en moyenne, pourrait théoriquement en souffrir. Toutefois, cette vision bien optimiste de l’économie oublie un peu trop vite le niveau des dettes souveraines en Europe. Or, la remontée des taux est une très mauvaise nouvelle pour les États les plus endettés. Il suffit pour s’en convaincre d’observer l’évolution des taux des dernières émissions obligataires françaises.

Les investisseurs les plus prudents, dans un climat encore anxiogène, ne devraient pas délaisser si facilement les placement alternatifs plus sécurisés. La forêt a toujours été une valeur refuge et le restera sans conteste ces prochaines années.

Justement, quelle orientation pour le marché des forêts ?

Le prix moyen des forêts a fortement progressé depuis le début des années 2000. Il faut pourtant pousser l’analyse plus loin car l’évolution est contrastée selon les types de bien. Je travaille surtout sur le marché des gros massifs (plus de 50 hectares) et c’est probablement l’un de ceux qui a été le plus profitable. Après un léger tassement ces deux dernières années, j’anticipe une nouvelle hausse du prix des forêts, peut-être à un rythme moins soutenu, mais avec encore de belles performances.

Un hectare de forêt qui se vend aujourd’hui 10 000 euros pourrait facilement valoir 15 000 euros voir d’avantage à horizon 2030.